Avant de devenir un village dans lequel on construira une petite église au XIIe siècle, La Bretagne semble avoir été le nom d’une forêt, à proximité de la Glane. Sa dénomination reste obscure, car c’est seulement plus d’un siècle plus tard, lors du mariage de Marie de Limoges avec Arthur II de Bretagne en 1275, que le Limousin entre dans les possessions du duc de Bretagne.

De cette église dédiée à saint Fiacre, pourtant paroissiale, entourée d’un cimetière et de la résidence d’été du prévôt du chapitre, il ne reste qu’une partie du portail occidental et une croix en granite. En effet, cette petite église au plan rectangulaire, qui possédait trois autels (un grand autel et deux autres consacrés à saint Fiacre et saint Léobon), et qui abritait des reliques de saint Mandé, est en très mauvais état dès le milieu du XVIIe siècle. Son emprise est pourtant représentée sur le cadastre napoléonien en 1822. En 1908, les éléments architecturaux restant sont remaniés et déplacés, le mur de clôture du cimetière est remanié.

Inaugurée le dimanche 6 janvier 1963, en présence du maire et du conseil municipal, des directeurs d’écoles, des habitants et du président de la jeune amicale de La Bretagne (fondée le 6 décembre 1962), la salle des fêtes fut construite sur son emplacement dans le but d’offrir aux habitants de La Bretagne « un moyen de culture (bibliothèque, conférences, cinéma), et un moyen d’organiser festivités et loisirs ».

Les dévotions au village de La Bretagne

La plus ancienne mention trouvée d’un culte à La Bretagne, publiée dans un guide d’Adolphe Jouanne en 1868 est une pratique de pierre frottée : « les paysans viennent chercher la guérison de leurs plaies en se frottant contre les aspérités de la pierre ». En 1886, Martial-Félix Taboury, dans sa Géographie du département de la Haute-Vienne confirme cet usage : « Près de La Bretagne on voit une roche énorme qui est, de la part des paysans superstitieux, l’objet de pratiques les plus curieuses : ils y frottent leurs membres endoloris ou malades pour en obtenir la guérison. »

Ce rocher, situé à 250 mètres environ au sud-ouest de l’église (impasse du Pradeau) est connu par l’homme depuis la préhistoire et quelques débris de silex taillés y avaient été trouvés à proximité.

Lorsqu’Anfos Martin étudie la dévotion en 1903, le rocher n’est plus le seul à connaître un culte. Les ruines de l’église, la fontaine et le rocher sont trois étapes d’un circuit de dévotions qu’il décrit alors avec précision. Une photographie du début du siècle dernier, éditée en carte postale par les éditions Au Grand Livre, présente des « écoles » (nom utilisé pour désigner des colliers en bois ou en cuir utilisés pour attacher les vaches).

Pouvant être pratiquée toute l’année (principalement par des paysans venus des cantons de Confolens -Brigueil et Montrollet- et de Rochechouart), elle prenait une ampleur particulière le 15 août, jour de l’Assomption, où elle réunissait encore en 1903 près de 500 à 600 personnes. C’est probablement à cette époque qu’une niche abritant une petite statue de la Vierge fut creusée dans le gros rocher.

Très tôt (vers 4 heures du matin), à l’entrée du village, des femmes et des enfants attendaient avec des paniers pleins de lumets jaunes (cierge en cire). Munis de l’indispensable accessoire, les pèlerins arrivés tôt, guidés par certaines femmes du hameau érigée en prêtresses du culte, faisaient trois fois le tour des ruines de l’église, de la fontaine du lavoir et du gros rocher, en se signant à certains endroits ou en grattant le sol ou une pierre.

L’utilisation du rocher (mais peut-être également de l’eau de la fontaine) à des fins thérapeutiques est probablement antérieure au christianisme. Le Limousin est connu pour ses nombreuses bonnes fontaines et pour ses survivances tardives de pratiques médicales des temps les plus reculés, comme à titre d’exemple l’utilisation des pierres ophtalmiques. Anfos Martin écrivait en 1903 à son sujet dans le bulletin des Amis des Sciences et des Arts de Rochechouart : « La dévotion de La Bretagne est un reste de paganisme préhistorique, druidique et romain sanctifié par le christianisme ». Ainsi l’implantation de l’église, placée sous le vocable de l’un des plus grands guérisseurs populaires, saint Fiacre avait probablement pour but de christianiser un lieu où se déroulait un rite païen.

 

 

 

Bibliographie

BONNAUD Louis, Documents et Témoignages pour l’étude des fontaines, in BSAHL tome XCIV, 1972
COLLECTIF, Religion populaire et expression de la foi, Limoges, Centre Impression, 1988, p. 114-115
FAGE René, Autour du mariage (coutumes rurales du Limousin) in LEMOUZI, édition du 1er janvier 1922, pages 117 à 121
GOURSAUD Albert, Pierres à légendes et pierres curieuses du Limousin, In Bulletin de la Société d’Ethnologie du Limousin et de la Marche, n°34, 1969 ; page 188
JOUANNE Adolphe, La Loire et le Centre, 1868.
LECOTTE et MENON, Au village de France, tome 2 page 69
MARTIN Anfos, Le rocher et la fontaine de la Bretagne, in BASAR 1903, tome XIII n°V, page 109-112
RAPHANAUD Pierre, le rocher de la Bretagne, près de Saint-Junien, et l’ancienne église de ce lieu, in BSAHL LXXX-1, 1943, procès-verbaux des séances pages 43-44
TABOURY Martial Félix, Géographie du département de la Haute-Vienne, Limoges, Ducourtieux, 1886, pages 125-126